la Sodec annonce le financement de quinze films
Le milieu du cinéma s’interroge toutefois sur le déroulement futur des tournages en ce temps de pandémie
Les réalisateurs, les producteurs et les distributeurs de 15 projets de films québécois ont été heureux d’apprendre jeudi que la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) apportait son apport financier à leur production. Mais après les réjouissances, deux questions restent : le bouclage du budget et, surtout, les conditions de tournage.
Car tous devront respecter les nouvelles règles de santé et de sécurité qu’impose la pandémie de coronavirus. Fera-t-on des scènes sans que les personnages se touchent ? Comment déplacer les équipes ? Peut-on rassembler 50 figurants ? Qu’exigeront les compagnies d’assurances ? Autant de questions auxquelles il faudra trouver des réponses. À noter que ce n’est pas la SODEC, mais les autorités de santé publique qui indiqueront les règles à suivre.
Mais d’abord, les bonnes nouvelles. Trois films d’animation, quatre comédies, six drames et deux films de genre sont financés.
Les trois projets d’animation sont Béluga Blues, de Christine Dallaire-Dupont et Nicola Lemay (scénario d’Andrée Lambert), La légende du papillon, coproduction avec l’Allemagne réalisée par Sophie Roy et Jean-François Pouliot (scénario de Julie Burroughs, Jacques Désy, Heidi Foss et Lienne Sawatsky), ainsi que Toupie et Binou, de Dominique Jolin et Raymond Lebrun. Marc Labrèche y reprendra la voix de Toupie.
Du côté des films de genre, deux cinéastes au beau parcours sont retenus : Rafaël Ouellet, avec Arsenault et fils, et Maxime Giroux, pour Norbourg.
Arsenault et fils fera le portrait d’une famille de braconniers du Témiscouata qui, le temps d’un été, fait face à de l’adversité. « Le rôle principal ira à Guillaume Cyr, dit M. Ouellet. Je refais aussi équipe avec Robin-Joël Cool et Viviane Audet pour la musique. » Ce tandem avait remporté le Jutra de la meilleure musique originale pour Camion, autre film de M. Ouellet.
Norbourg, de Maxime Giroux (La grande noirceur, Félix et Meira), est un thriller financier inspiré du scandale de cette entreprise en gestion de fonds dirigée par Vincent Lacroix. Alexandre Landry doit incarner Lacroix alors que Vincent Guillaume-Otis sera Éric Asselin (vice-président de Norbourg) dans ce film, dont le scénario est signé Simon Lavoie. « Tout est basé sur des faits, et on découvrira que derrière Lacroix, il y avait d’autres gens », glisse Maxime Giroux.
Au revoir, le bonheur, de Ken Scott, reçoit du financement, tout comme Je suis Arlette, de Mariloup Wolfe, d’après un scénario de Marie Vien. Dans une entrevue accordée à La Presse en mars, Mme Vien a dit : « C’est l’histoire d’un premier ministre qui va approcher une jeune femme, Arlette St-Amour, pour rajeunir l’image du gouvernement. Il ira jusqu’à la nommer ministre de la Culture. Et rapidement, elle va se pogner avec le ministre des Finances. »
Après Les scènes fortuites, Guillaume Lambert revient avec la comédie Niagara. « Mon film parle de la chute, du deuil et de la reconstruction de trois frères dans la cinquantaine qui reprennent contact à la suite de la mort de leur père dans un malheureux ice bucket challenge », précise M. Lambert.
Enfin, Joëlle Desjardins-Paquette proposera le film Rodéo, d’après un scénario coécrit avec Sarah Lévesque.
Du côté des drames, on remarque l’adaptation du roman Ru, de Kim Thúy, par Charles-Olivier Michaud, d’après un scénario de Jacques Davidts.
Sophie Deraspe (Antigone) réalisera D’où viens-tu, berger ?, adaptation du roman éponyme de Mathyas Lefebure. Le romancier et la cinéaste cosigneront le scénario. « Cet ouvrage parle du jour où l’auteur a quitté son travail en publicité à Montréal pour devenir berger dans les Alpes, où la vie était moins champêtre qu’il ne le pensait », nous a dit Mme Deraspe au début de l’année. Jeudi, elle a ajouté qu’une partie du tournage se ferait en France, ce qui nécessitera une importante logistique dans les conditions actuelles.
Les quatre autres drames sont Coyote, de Katherine Jerkovic, Le festin boréal, de Robert Morin, Noémie dit oui, de Geneviève Albert, et Richelieu, de Pier-Philippe Chevigny.
Cela dit, il faudra faire avec la pandémie de coronavirus, qui risque de se prolonger sur des mois. Un défi pour les producteurs indépendants tels que Nicolas Comeau, du film Coyote, dans lequel un migrant latino-américain renoue avec sa fille.
« Une partie du film doit être tournée sur la Côte-Nord, indique M. Comeau. Normalement, on y déplacerait l’équipe en fourgonnette. Sauf qu’au lieu d’avoir un chauffeur et six passagers, il y aura un chauffeur et deux passagers. Il y aura beaucoup de contraintes comme celle-là. »
« On doit réévaluer le budget avec les coûts liés à la pandémie », dit Rafaël Ouellet, qui devra peut-être affronter une difficulté supplémentaire du fait que son film se tournera à la frontière du Québec et du Nouveau-Brunswick, province qui refuse pour l’instant la circulation automobile en provenance de la Belle Province.
Habitué aux tournages en petite équipe, Maxime Giroux est plus optimiste. « Ça ne me fait pas trop peur, dit-il. Au cinéma, on manie l’art de s’adapter. Mais s’il faut repousser le tournage, on le fera. »
Il semble par ailleurs que la crise favorise les projets de films d’animation, qui requièrent moins de regroupements de personnes en un même lieu. Les trois films financés par la SODEC en constituent un indice. Mais, selon Nancy Florence Savard, des Productions 10e Ave (Béluga Blues), c’est peut-être aussi la démonstration que l’industrie québécoise de l’animation arrive à une certaine maturité.
« Il faut mettre de cinq à sept ans pour développer un projet d’animation, dit-elle. Les films d’animation 100 % québécois ont commencé il y a six ans avec La légende de Sarila [qu’elle a produit et réalisé]. Je pense que nous arrivons à une période charnière où l’industrie a pris son rythme de croisière. »